Sellette, support, montage et soclage d’objets de collections : le nec plus ultra par Patrick Lonza : « Non, le socle n’est pas une simple base utilitaire-standard, reproductible quel que soit l’objet ! »


Nous avons tous dans nos tiroirs des objets aimés, hérités, laissés là, objets oubliés depuis des années. Objets qui ne tiennent pas debout ou cassés : sculptures extraites de leur contexte, masques africains, céramiques, bijoux ethniques, pièces scientifiques anciennes, objets usuels ou simples coquillages ramassés pour leur beauté. Faute de support adéquat, au mieux ces objets sommeillent, au pire ils s’abîment.

C’est là qu’intervient l’art du socle pour préserver et sublimer, à l’instar du cadre pour la peinture.

Pour Patrick Lonza, le socle répond à trois fonctions :

  • une fonction mécanique de stabilité en soutenant le poids de l’objet qu’il supporte
  • une fonction de conservation et de protection
  • une fonction de mise en valeur en inscrivant l’objet dans l’espace, en juste distance dans son environnement

« Non, le socle n’est pas une simple base en fer, purement fonctionnelle et reproductible quel que soit l’objet ! » nous dit-il.  Pour lui, le soclage est un art. Il requiert tout d’abord un savoir-faire technique irremplaçable : « il s’agit toujours de respecter l’intégrité de la pièce, de ne pas la « blesser », éviter le perçage ».  Ainsi, pour certains objets les « griffes » qui vont les enserrer vont être courbées de manière à épouser les formes discrètement et sans les compresser. « Il faut pouvoir retirer l’objet si besoin. »

Sensibilité et bonne connaissance artistique sont aussi convoquées pour soutenir la compréhension et la vision de l’objet. Le coup d’œil professionnel pour situer à la bonne hauteur. « Je conçois ce métier au carrefour des techniques du bronzier d’art, de l’orfèvrerie et de l’ébénisterie », mais surtout nous dit-il c’est un métier qui exige une créativité sans cesse renouvelée.

« Regardez comment Brancusi a intégré le socle dans ses sculptures : en bois, en pierre, tour à tour diabolo, cône ou en pointe de diamant dans une variété insatiable ! Au point qu’il a exposé en 1926 cinq socles, seuls sans leur superposer de sculptures ! Et Rodin et ses socles- gangues : la caractéristique de ses œuvres, c’est la forme aboutie, sublime mais prise dans un bloc brut. Les critiques de son époque y voyaient une œuvre inachevée mais Rodin l’avait pensée et conçue complète, le socle en fusion avec la sculpture. Et puis Giacometti, bien sûr ! Regardez L’homme qui chavire, cette expression du déséquilibre. On se demande comment la sculpture fait pour ne pas tomber. Elle tient grâce au socle, bien sûr, un imposant cylindre massif qui contraste avec le personnage filiforme et accentue l’impression de fragilité. Là, on voit bien comment la fonction mécanique du socle est dépassée pour assumer une fonction de compréhension et de lecture de l’œuvre. « Comme dans une collection, par exemple, où il est intéressant d’adopter des formes et des inclinaisons différentes, pour créer une dynamique, une fois les objets exposés côte à côte. »