Cadres sur mesure


Le cadre : une fenêtre pour voir

 L’éthymologie de « cadre » renvoie à « carré ». Daniel Arasse nous rappelle que le premier cadre était le carré ou le rectangle tracé par les haruspices romains avec leurs bâtons dans le ciel pour attendre d’y voir comment passaient les aigles et ainsi interpréter la volonté des dieux.

Lui succède ensuite le dessin au sol comme templum, lieu du sacré.

Le cadre sert d’abord à découper des scènes.

Il isole l’image par un trait. Sa fonction est de présenter, de désigner. Il sépare, autonomise. L’historien d’art A. Chastel rappelle que des cadres en bois ont d’abord entouré les retables, ils servaient à accentuer la séparation entre les trois ordres lus dans le sens suivant : celui du milieu représentant la scène sacrée, par exemple la Vierge et les saints, celui du bas, dédié au plan terrestre, celui d’en haut, enfin, réservé à l’ordre du divin.

Le cadre protège.

Lorsqu’on a abandonné le bois pour adopter la toile, le cadre est devenu nécessaire ensuite pour l’accrochage, isoler l’œuvre du mur et lui donner une profondeur supplémentaire. Au-delà de sa fonction d’utilité -il protège la toile du peintre, dissimule les bords du châssis, donne de l’aplomb- il est devenu au fil des siècles, un paregon, un objet qui reflétait davantage la richesse du propriétaire de la peinture ou qui exprimait le gout traditionnel de l’époque plutôt que le désir propre de l’artiste. Songeons aux lourds cadres sculptés à la main et dorés apparus au 16e siècle qui écrasent l’œuvre de leur apparat et peuvent en entraver la lecture.

A contrario, la disparition du cadre, à partir du XXe siècle s’est imposée comme un moyen de rapprocher le spectateur de l’œuvre par une entrée « directe ».

Le cadre invite à voir

Le sociologue Georg Simmel déplore cette absence de bordure, car pour lui, le cadre empêche la dérive du regard et évite la dispersion des forces centrifuges du tableau. En découpant une portion du visible, le cadre expose à notre attention. Poussin l’exprime à sa manière, au moment d’envoyer son tableau La Manne dans sa lettre à Paul Fréart de Chanteloup : « Je vous supplie, si vous le trouvez bon, de l’orner d’un peu de corniche, car il en a besoin, afin qu’en le considérant en toutes ses parties les rayons de l’œil soient retenus et non point épars au dehors en recevant les espèces des autres objets voisins qui venant pêle-mêle, avec les choses dépeintes confondent le jour. »

Ainsi, le cadre transforme le visible en hyper-visible, découpe dans le visible le passage du voir à la vue ( M. Rueff) : « comme le bourreau de Michel Strogoff, il contraint à regarder : regarde, de tous tes yeux, regarde… »

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